Avertissement : À mon dam, l'application Dotclear, qui sert à fabriquer ce blog, ne permet pas -- à ma connaissance, qui est peu développée -- de régler la hauteur des interlignes, ni d'introduire des retraits de paragraphes sauf à utiliser des listes à puces prédéfinies. La lecture en est rendue difficile pour le style de texte de cette balade (parenthèses en cascade), mais préférable néanmoins à une disposition en blocs de texte sans aucun retrait. J'en suis désolé. Bon courage, donc.


Nos deux petites-enfantes – et deux de nos grands enfants, leurs parents – habitant à quelque sept-cent-vingt kilomètres plein nord, nous décidâmes de faire un break (une parenthèse), fin octobre, dans nos activités, et nous vla partis sur la route, conduits comme d’hab par la pseudo-jeep, ou vice versa.
Délaissant autant que possible les trajets autoroutiers, trop panurgesques, coûteux et lassants à notre goût, nous partîmes un beau matin par les Cévennes. Passé Alès

  • (« Allais »
    • ((comme Alphonse))
  • pour les anciens)

qu’on quitte par Saint-Martin-de-Valgalgues et la D906, l’on zigue et l’on zague sévèrement dès avant le village de Portes, et cela jusqu’à Villefort.
La vitesse moyenne sur ce parcours ne saurait raisonnablement excéder les quarante-huit Paris_1_kmh.jpg,

  • (que l’on doit prononcer « kilomètres par heure »
    • ((comme le préconise l’AFNOR à l’article 6.5.4 de son fascicule normatif intitulé Normes fondamentales - Principes de l'écriture des nombres, des grandeurs, des unités et des symboles de mai 2013, p. 20))
  • ou « kilomètres à l’heure »)

qu’on peut aussi symboliser par « km/h ».
À Villefort est un lac, de bas niveau par les temps qui courent :

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Nous sommes ici en Lozère. Le lac couvre 137 ha quand il est dans de bonnes dispositions, et contient des truites arc-en-ciel, des grosses truites fario, des petits vairons potamodromes

  • (« potamodrome », pour ceux et celles qui l’ignoreraient, signifie « qui migre en restant en eau douce ».
    • ((Les vairons servent d’appât aux truites
      • (((qui sont tout aussi potamodromes qu’eux)))
    • car ils sont tout petits, et les pêcheurs aiment pêcher la truite avec la technique de « la pêche au vairon manié ».))
  • Il ne faut pas confondre « potamodrome » et « potamotoque » : qui migre entre la mer et l’eau douce.)

et des chevesnes

  • (cyprinidés carnassiers omnivores à tendance piscivores, qu’on appelle ici « meuniers »)

qui font la joie des pêcheurs alignés sur ses rives.

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Au-delà de Villefort, on poursuit entre Lozère et Ardèche jusqu’à Langogne, puis à travers la Haute-Loire pour atteindre Le-Puy-en-Velay via Costaros

  • (Ah ! Costaros, quelle élégance !)

afin de casser une croûte bien méritée, au resto visé de longue date. Las ! Ledit resto a choisi cette date pour se payer des vacances !

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Faisant une croix sur l’espéré « Jarrotin de porc au civet de lentilles vertes »,

  • (sic : les mots ont-ils encore un sens ?)

on choisit donc une terrasse ensoleillée proposant un duo de thon – tataki et tartare –

  • (mais le tataki n’est pas coupé en tranches fines, contrairement à l’usage)

accompagné de paradoxales « tagliatelles de légumes » et de risotto. Correct. Et les cinq degrés à l’ombre se font vite oublier, au soleil.

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Les charmes du Puy-en-Velay, tels qu’ils nous sont apparus dans le peu de temps que nous pouvions leur consacrer et tels qu’ils voulurent bien se laisser photographier

  • (car la plus belle beauté de la ville, aperçue de la route
    • ((malheureusement sans possibilité d’arrêt à cause du flux et de l’absence de dégagement latéral))
  • est la très curieuse disposition des trois éminences qui la dominent : la Haute-ville, bâtie sur les flancs du mont Anis, où trône la cathédrale romane Notre-Dame-de-l ’Annonciation, le rocher Corneille où ont été placées en 1860 les 835 tonnes de la statue en fonte rouge, haute comme huit étages, de Notre-Dame-de-France, et le rocher d’Aiguilhe sur lequel est posée la chapelle Saint-Michel d’Aiguilhe du XIIe siècle
    • ((les deux « rochers » sont des cônes volcaniques basaltiques)).
  • Comment résister à vous en donner une vue qui, bien que n’étant pas du tout de mon cru, vous montrera la chose ?
  • Paris_1_5.jpg
  • Étonnant, n’est-ce pas ?)

consistent en :

- Une vue dégagée, du haut de la Haute-ville :

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- L’immeuble de la distillerie de verveine, construit en 1906

  • (le mot « verveine » et les deux boules encadrant le dôme et son extrémité fièrement pointée s’illuminent nocturnement, ce qui promet d’être du plus bel effet) :

Paris_1_7.jpg

- Et, sortant de la ville vers l’ouest, encore une statue monumentale.
À Espaly, ce n’est pas Notre-Dame qui se dresse vers le ciel, car la statue est barbue. Non, il s’agit d’un Saint-Joseph-de-Bon-Espoir, dont la taille est précisément appariée à celle de sa femme, mais dont le poids n’est qu’un dixième de celui de la Vierge de fonte, car en béton et non en fonte. La statue date de 1910. La basilique voisine, œuvre néo-castello-moyenâgeuse de l’abbé Fontanille qui inspira

  • (ça saute aux yeux)

les constructions de Disneyland Paris

  • (notamment la base du château de la Belle au Bois dormant
    • ((Ce dernier relève
      • (((quoi qu’on en dise)))
    • au moins autant de la basilique d’Espaly que du château d’Ussé
      • (((Charles Perrault aurait utilisé l’ambiance du château d’Ussé pour écrire son conte, d’après le dossier de presse du château, ce qui rend cette légende
        • ((((dont nous n’avons pas trouvé d’autre source))))
      • hautement suspecte.)))
    • dont il se réclame.))
  • mais pas la superstructure)

fut construite entre 1913 et 1916 :

Paris_1_9.jpg

Nous retrouvons bientôt la route départementale D906 qui s’était évanouie à Langogne

  • (Cette route est l’ancienne route nationale 106 qui reliait Nîmes à Saint-Gérand-du-Puy, un peu au nord de Vichy, sur la belle distance pour une même route de 350 km. Entre Langogne et Le Puy-en-Velay, elle a été supplantée par la N88 qui lui a piqué son tracé.)

et nous filons droit au nord, franchissant Ambert et sa fourme,

  • (à qui nous avions déjà rendu honneur dans un précédent périple)

puis Thiers et ses couteaux,

  • (Les habitants de Thiers sont des Tiernois
    • ((On peut aussi les appeler par leur sobriquet de « Bitors », ou « Bitords »,
      • (((Voir sur ce sujet : Georges Therre, Les Thiernois à la recherche de leur identité – 1798-1950, dans : Pays de Thiers : le regard et la mémoire, sous la direction de Dany Hadjadj, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 1989, p. 160-163.)))
    • terme qui pourrait provenir d’une déformation de « butor » due à l’accent local, ou de « bi-tord », parce que le poids des « caisses de couteaux portées dans les rues pentues [auraient] tordu deux fois les jambes des Thiernois. »))
  • et non pas, pour une raison qui m’échappe, des Thiersois.)

pour enfin emprunter brièvement un rejeton dérivatoire et champêtre de la D906 baptisé du petit nom de D906C, où l’on peut admirer sur la droite, au lieu-dit La Chauprillade sur la commune de Daurat, cette bucolie :

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et, lui faisant face, sur la gauche, cette brute

  • (et inattendue dans cet environnement rural)

construction :

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Cette usine Rexo de pièces métalliques découpées ou embouties, œuvrant également dans la mise en forme des métaux et des outils, se trouve sur le terrain qu’avait acheté l’avionneur Marcel Bloch fin 1939 pour y construire une usine de pales d’hélices. Les travaux auraient été interrompus par la débâcle de 1940 et par les emprisonnements successifs de Marcel Bloch qui deviendra, après la guerre, Marcel Dassault,

  • (du nom d’un habitant de Puy-Guillaume, près de Thiers, qui lui avait cédé en février 1942 sa carte d’identité pour qu’il puisse échapper aux contrôles de la police de Vichy et de la Gestapo).

Cela ne l’a pas empêché de faire plusieurs séjours en prison et dans des camps, notamment celui de Buchenwald d’août 1944 à la libération du camp en avril 1945.
La société Rexo, qui était, de fin 2001 à fin 2014, un établissement secondaire de la société RC Pro

  • (qui fabrique de l’outillage motorisé à Thiers),

a été absorbée début 2018 par Abbax France

  • (qui fait du profilage à froid par formage ou pliage dans l’Ain).

Une dizaine de kilomètres plus au nord, en arrivant à Puy-Guillaume, on contourne une œuvre d’art pyramidale de cinq à huit mètres de haut

  • (au pif)

aux parois de tessons de bouteilles fondus dans de la résine

  • (suivant le procédé Foberlec)

et au sommet transparent contenant quelques bouteilles intactes mais vides, trônant au centre d’un vaste rond-point.

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Cette œuvre est là pour illustrer la grande verrerie industrielle de Puy-Guillaume qui, implantée en 1902, est maintenant la propriété de OI (Owens Illinois) Manufacturing, tout comme la verrerie de Vergèze, dans le Gard,

  • (que je vous ai montrée dans ma balade du 20 novembre 2016).

Un peu plus loin, on rencontre Saint-Yorre

  • (mon eau quotidienne, qui « provient de la Source royale » d’où elle sort « naturellement gazeuse » et « riche en minéraux »),

Saint-Yorre qui est à l’usine de Puy-Guillaume ce que Perrier est à celle de Vergèze.
Et on arrive à Vichy, qu’on contourne par sa banlieue est et Cusset, avant de gagner Billy, son château et son petit lac au saule pleureur triste de se trouver isolé, seul sur son javeau.

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Pourquoi, au bord de ce lac où nous nous délassons, une grosse dame s’enquiert-elle de la santé de notre pseudo-jeep, au prétexte qu’elle aurait une Ford Fusion, vieille, blanche, et ne faisant pas partie de l’élite de cette lignée ?

De Billy à Saint-Pourçain-sur-Sioule, il y a peu. Mais le délai imparti à notre trajet ne nous permet pas de nous pencher sur les vins locaux, issu d’un vignoble remontant au haut Moyen-Âge. Aussi chopons-nous la D1 et la faisons défiler sous nos roues jusqu’à notre étape de Bourbon-l’Archambault, où la nuit tombe quand nous parvenons à l’hôtel qui nous attend sur une petite place décorée d’une fontaine d’eau non potable.

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Long diner, puis dodo dans cet hôtel nommé « Montespan-Talleyrand » après une petite balade nocturne dans la bourgade.
Montespan-Talleyrand, que font ces deux noms associés, outre le fait que l’hôtel actuel est issu du regroupement de deux hôtels voisins l’un de l’autre, l’Hôtel Talleyrand et le Grand Hôtel Montespan,

  • (Comme chacun sait, Athénaïs de Montespan fut la maîtresse de Louis XIV pendant treize années agrémentées de sept enfants faits en commun
    • ((dont trois moururent en bas âge))
  • et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
    • ((qui était affecté d’un pied droit bot
      • (((ce pour quoi on l’appelait « le diable boiteux »)))
    • et portait une chaussure orthopédique))
  • avait été évêque d’Autun avant de devenir, à la Révolution, l’homme politique et le diplomate de tous les régimes, de la Constituante à Louis-Philippe.)

malgré le laps de plus d’un siècle qui sépare leurs naissance ?
C’est qu’ils étaient tous deux des curistes invétérés, adeptes des eaux de Bourbon, tout comme les Romains qui y édifièrent des piscines en marbre, telles celle que je n’ai pu photographier pour cause de nuit, sur la margelle de laquelle est un panneau où est reproduit ce plan.

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On peut y lire la légende : « Fig. 9 – Thermes de Bourbon l’Archambault (selon Antiquités et monuments anciens du Bourbonnais. 1781) ».
C’est une reproduction d’une partie de la page 11 du très étonnant carnet de Pierre de Beaumesnil

  • (Comédien-archéologue français – 17..-1787. Louis Guibert
    • ((dans son étude sur les Anciens dessins des monuments de Limoges parue dans le Bulletin archéologique et historique du Limousin, tome XLIX, Limoges, Vve H. Ducourtieux, 1900, p. 54, qui cite
      • (((p. 57-58)))
    • les Notes d’un voyage en Auvergne de Prosper Mérimée
      • (((Paris, H. Fournier, 1838, p. 101)))
    • parlant de Beaumesnil : « Entr’autres inventions qui montrent la tournure de son esprit, il dessine toute une série de tombeaux et de bas-reliefs accompagnés de caractères bizarres, grecs, étrusques romains, et surtout de quantité de phallus de toutes formes. – Ces emblèmes érotiques paraissent amuser fort M. Beaumesnil, car il en voit partout, – mais toujours sur des monuments détruits. »))
  • décrit ainsi les talents de Beaumesnil : « Les écarts de son crayon attestent la polissonnerie du cabotin le plus vulgaire et un goût prononcé pour l’obscénité ».)

intitulé précisément Antiquités & monumens du Bourbonnais et de partie de la Bourgogne, daté de 1781, que je vous conseille de consulter sur le site Gallica

dont voici l’image complète.

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Le texte explicatif est le suivant : « Plan en perspective des bassins du Bains [sic], Restaurés et entretenus sur les fondements Antiques Romains, le bassin de dégorgement est celui des Pauvres qui s’y vont baigner les Membres. peu de personnes se baignent dans le Bassin supérieur. quand [sic] aux trois Puits ils boüillent toujours à gros boüillons. et ont différens dégrès [sic] de chaleur. les eaux du bassin supérieur sont conduites dans les bains et doûges par différents aqueducs. » Les « bains et doûges »

  • (il faut comprendre « douches »)

sont notés au rez-de-chaussée du bâtiment dessiné en plan sur la droite, séparés par une esperluette.

Ce bâtiment composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage, plus combles à la Mansart,

  • (dans cette locution, on fait bien sûr référence à François Mansart, et non à son petit-neveu Jules, dont le nom de famille était Hardouin.
    • ((Son père était un peintre du nom de Raphaël Hardouin, et son grand-père maternel était un beau-frère de François Mansart.))
  • François Mansart, célibataire et sans enfants, légua la moitié de sa fortune à Jules, ainsi que son nom, afin qu'il perdure. Jules se fit donc appeler « Jules Hardouin-Mansart ».)

qu’on a nommé le « Logis du Roy », a été construit au milieu du XVIIe siècle sur ordre de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, pour y abriter les premiers thermes de la ville. Comme les trois puits et les bassins récemment restaurés, il existe toujours aujourd’hui, défiguré par une extension du rez-de-chaussée, côté bassins, prenant la place d’une pergola ajoutée au XIXe.
Ce Logis du Roy amplifia le succès des bains de Bourbon l’Archambault, déjà attesté au moyen-âge,

  • (Voir le roman de la fin du XIIIe siècle en vers occitans rouergats qu’on appelle Flamenca, du nom de son héroïne, la femme du seigneur Archimbaut, qui séduit Guillem de Nivers dans les bains de Bourbon.)

au XVIe siècle

  • (Voir la Générale description du païs et duché de Boubonnois […] par Nicolas de Nicolay, manuscrit de 1569 conservé à la bibliothèque Mazarine – N° 506 A –,
    • ((Un autre manuscrit signé « Nicolas Nicolaÿ » et intitulé Description générale du pays et duché de Bourbonnois faite en l’année 1566, qui semble être un brouillon succinct du texte de 1569, est conservé à la Bibliothèque nationale – N° 14384. Ce brouillon ne traite ni de Bourbon l’Archambault, ni de ses thermes.))
  • édité sous le titre Description générale du Bourbonnais en 1569 par le comte Maurice d’Irisson d’Hérisson,
    • ((Moulins, Desrosiers, 1875, p. 106-107))
  • qui montre les bassins et les trois puits, attribue le « bassin des pauvres » aux lavandières et l’autre aux « baings chaulx », et vante les vertus médicinales des eaux de « Bourbon l’Archimbaud ».)

ou au XVIIe siècle

  • (Voir de Paul Scarron, La Légende de Bourbon de l’année 1641 et La Seconde légende de Bourbon de l’année 1642, groupées sous le titre S’ensuivent les deux légendes de Boubon en deuxième partie du Recueil de quelques vers burlesques
    • ((Paris, Toussainct Quinet, 1643, p. 119)).

Sous Louis XIV et après, prendre les eaux à Bourbon était très prisé. Y venaient Boileau, Scarron, Mme de Sévigné, le maréchal de la Meilleraye, et bien sûr Madame de Montespan qui y mourut et Talleyrand qui en disait : « C'est aux eaux de Bourbon que je dois la vigueur de mon corps et la verdeur de mon esprit ». La grande vogue des stations thermale de la fin du XIXe siècle vit à Bourbon la fin de l’exploitation des thermes du Logis du Roy et son remplacement par un grand établissement qui ouvrit en 1885.

La nuit passée, nous quittons l’hôtel sans prendre le temps d’emprunter la passerelle qui le relie directement aux installations thermales ni visiter lesdites, qui semblent pourtant le mériter. Nous faisons un rapide tour pédestre de la petite ville dans la fraîcheur du jeune matin. Les ruines d’un château fort s’y dressent au haut d’une colline dominant la rivière.

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Il faut se souvenir, même si ça fait lurette, qu’en l’an 913, le roi capétien Charles III le Simple octroya à un nommé Aymar la seigneurie de Bourbon. Aymar engendra Aymon

  • (le premier à posséder le château qui à l’époque n’était que de bois),

qui à son tour engendra, directement ou non, toute une série d’Archambaud, du numéro I au numéro IX, d’où le nom de la ville.
Pendant ce temps, le château était devenu de pierres, au XIe siècle. Au siècle suivant, il s’est orné de ses premières tours. À la Révolution, il en aura une vingtaine, avant d'être en grande partie démantelé pour ses pierres.

Au-dessous du château, en pleine ville, nous jetons un regard à la tour Qui qu’en grogne (XIVe siècle) et à son horloge (XVIIIe siècle).

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Comme l’indique l’horloge, il est bientôt 9 heures, l’heure de reprendre notre route vers le nord-ouest, par des campagnes embrumées.

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Nous passons par Saint-Plaisir, où la petite église romane est simple et harmonieuse.

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Nous traversons ensuite Couleuvre, Bessais-le-Fromental et autres villages afin de gagner

  • (après quelques péripéties
    • ((Une coupure de la route dont nous n’avions pas cru le premier avertissement nous fit faire un long détour
      • (((d’autant que nous manquions de carburant car – en linotte que nous sommes – nous avions omis de nous approvisionner au départ de Bourbon l’Archambault)))
    • et nous entraîna sur six ou sept kilomètres de chemins forestiers, bordés au début par une armée de chasseurs systématiquement disposés tous les trente mètres sur une distance de 500 mètres, puis de plus en plus défoncés et impraticables, mais que pseudo-jeep sut vaincre.))
  • heureusement résolues grâce à la station-service de Dun)

Bourges.

Avec ces retards, peu de temps à consacrer à cette grande et riche ville. Un œil sur l’arrière de la cathédrale gothique classique

  • (car l’avant est couvert d’échafaudages)

qui, pourtant, en demande beaucoup plus :

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Deux autres sur le palais gothique flamboyant de Jacques Cœur

  • (dont la façade présente deux personnages qui guettent la rue de part et d’autre du portail
    • ((Ce serait, dit-on, Jacques Cœur lui-même, à gauche, et Macée de Léodepart, sa femme, à droite.))
  • par deux fausses fenêtres),

richissime argentier de Charles VII jusqu’à ce qu’il se retrouve en prison, puis en exil.

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Quittant, trop vite, la préfecture du Cher, nous nous apprêtons à joindre, plein nord par la très longue ligne droite de la D940, l’étape prévue pour notre déjeuner, Argent-sur-Sauldre. Mais voilà qu’à peine sortis de la ville, un panneau directionnel nous attire irrésistiblement vers la droite, sur une petite route rurale menant à Menetou-Salon. Pourquoi ? Depuis le XIe siècle, Menetou-Salon est réputée pour ses vins, tant blancs

  • (issus du sauvignon B)

que rouges

  • (pinot noir N).

Voilà pourquoi.
On trouve les ceps auprès d’un château qu’il nous a fallu renoncer à photographier, faute de vue satisfaisante. De l’autre côté de la route qui borde le château et son parc, le vignoble s’étend en pente douce, en lisière du village.

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L’altesse sérénissime ne se contente pas de produire les vins du Clos de la Dame et d’être le propriétaire d’un château néo-gothique datant surtout du XIXe et comptant 297 fenêtres, 24 cheminées et une bibliothèque de 12 000 volumes. Il est aussi l’heureux possesseur d’une rare automobile,

  • (entre autres, car il a aussi une vieille Rolls, une Bugatti, etc.)

une luxueuse berline de ville Turcat-Méry LH de 1912, dotée d’un moteur monobloc de 4 cylindres en ligne développant 18 chevaux-vapeur, avec allumage par magnéto

  • (pour un démarrage rapide et un meilleur rendement)

et refroidissement par thermosiphon

  • (circulation d’eau par convection et non par pompe).

Arrivés pour déjeuner à Argent-sur-Sauldre, notre déception est égale à celle éprouvée hier au Puy-en-Velay

  • (car nous sommes maintenant lundi 21 octobre) :

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Mais Argent-sur-Sauldre n’égale pas en ressources restauratrices la grande ville du Puy. Le deuxième établissement du bourg s’est mis en vacances :

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et c’est ainsi qu’on finit au St Patrick, pizzas, écran géant, soirées foot et halloween, menu à 13 €

  • (pâté de foie, filet mignon de porc, tortellinis, le tout de basse extraction)

et dicton du jour : « Un verre de vin, c’est bon pour la santé, le reste de la bouteille, c’est bon pour le MORAL ! ».

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Après l’épreuve du St Patrick, direction les admirables rives de la Loire. Mais en partant, que voyons-nous ? Ceci :

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Approchons-nous :

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Deux interrogations subsistent : que vient faire Clément dans cette rue ? et : qu’est-il advenu de la petite poule rousse et de ses supposés amis ?

Sans réponse, nous nous éloignons par des chemins de traverse, passant du Cher au Loir-et-Cher et du Loir-et-Cher au Loiret, jusqu’aux abords de la Loire, où le ciel a perdu son éclat, un peu à l’ouest d’Orléans.

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Sur la rive droite du fleuve, c’est Châteauneuf-sur-Loire qui nous attend.

La halle Saint-Pierre y est marquée de la Compagnie Générale des Remorqueurs.

  • (Créée en 1841, la Compagnie des Remorqueurs de la Loire a été la dernière des entreprises de transport par bateaux à vapeur
    • ((C’est en 1820 que, pour la première fois, un bateau à vapeur atteignit Orléans))
  • à se charger du transport ligérien. Elle venait après Société Anonyme de la Navigation Accélérée, la Compagnie des Riverains du Haut de la Loire
    • ((devenue en 1842 Compagnie des Courriers)),
  • la Compagnie des Hirondelles, la Compagnie des Inexplosibles,
    • ((Les bateaux à vapeur avaient alors tendance à exploser, tels le Vulcain n° 1 qui péta le 15 septembre 1837 devant Ingrandes, entre Nantes et Angers, tuant quatre enfants sur cinq d’une même famille et la domestique qui s’en occupait, et faisant quelques blessés,
      • (((voir le Journal du Loiret du 20 septembre 1837, p. 2, et L’Ami de la Charte du 22 septembre 1837, p. 1 et 2. Un an après le drame, selon les Affiches, annonces judiciaires, avis divers du Mans du 11 septembre 1838, p. 595-597, le bilan final serait différent : trois enfants, leur mère et la domestique seraient morts.)))
    • ou le Riverain n° 1 qui fit une vingtaine de morts à Ancenis le 25 janvier 1842.
      • (((voir le National de l’Ouest du 28 janvier 1842, p. 1.)))
    • Les tentatives de renforcement de ces engins métalliques à aubes capables de naviguer dans 25 cm de fond conduisirent à les nommer présomptueusement « inexplosibles ».))
  • la Compagnie de Bateaux à Vapeur de l’Allier ou la Compagnie des Paquebots de la Loire.)

En effet, cette halle avait été primitivement un hangar destiné à protéger les marchandises en transit de bateau à bateau, construit par la compagnie à 60 kilomètres en amont de Châteauneuf, au bassin de Mantelot, sur la commune de Châtillon-sur-Loire. Acheté en 1853 par la commune de Châteauneuf, il fut transporté en ville et servit dès lors de halle aux grains.

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En face de la halle Saint-Pierre se tient l’église qui, sans être aiguille, n’en est pas moins creuse

  • (ceci en référence au court séjour que certains venaient de faire la veille à Étretat)

et munie d’une taille de guêpe.

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Cette église Saint-Martial date des XVIe et XVIIe siècles mais, bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, elle perdit son clocher et une partie de sa nef. Si le clocher fut restitué en 1955, l’intégrité de la nef ne le fut pas : on l’aménagea en porche. À l’intérieur, ce monument a survécu à la Révolution

et aux bombardements.

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Cet homme, au moins grandeur nature, entouré de deux réjouissants personnages et surmonté d’un ange

  • (ou d'une muse ailée ?),

n’est autre que « Messire Louis Phélypeaux, seigneur de la Vrillière et autres lieux, commandeur et grand maistre des cérémonies des ordres du Roy ».
Il était aussi secrétaire d’État de la Religion prétendue réformée comme l’avaient été avant lui son père Raymond Phélypeaux et son oncle Paul Phélypeaux, et comme le seront après lui ses descendants Balthazar Phélypeaux, Louis II Phélypeaux et Louis III Phélypeaux, l’ensemble couvrant sans discontinuité une période de 165 années, de 1610 à 1775, pendant laquelle cette famille monopolisa la fonction.
Le monument,

  • (cénotaphe ou tombeau, mais pas mausolée, car trop modeste pour être comparé à celui du satrape Mausole qui est la sixième des Sept Merveilles du monde suivant la liste d’Antipater de Sidon)

offert à la mémoire de son père par Balthazar, est l’œuvre du sculpteur Domenico Guidi (1625-1701), un élève d’Alessandro Algardi, le principal concurrent du Cavalier Bernin. Il existe plusieurs ébauches de cette sculpture, où seul figure Louis Phéliypeaux, L’une d’elles, en terre cuite, haute de seulement 60,8 cm, appartient au Bode-Museum de Berlin et une autre, encore plus petite (21,0 cm), a été signalée dans l’index des ventes d’art Bouin.

Toujours vers le nord et dédaignant toujours les autoroutes

  • (ici l’A10),

nous attaquons bientôt la Beauce.
Ah, la Beauce ! Cette morne plaine, « longue infiniment » comme la bruyère où Émile Verhaeren

  • (Ce brave Belge un peu anar, longtemps après avoir laissé tomber son roman
    • ((interrompu au cours du chapitre V))
  • au titre primitif et alléchant d’Atlantique Zéphiroux et son cousin Oxyde Placard,
    • ((Il en subsiste un premier fragment de 7 pages manuscrites très raturées et corrigées.
      • (((Bruxelles, Archives et Musée de la littérature, cote FS16 01112/0001.)))
    • J’en extrait cette phrase : « C’est une déraison notable de la part de l’homme de vouloir, parce qu’il a une raison, trouver une raison à tout ce qu’il observe dans la nature. » Reprenant, amendant et prolongeant ce premier texte, un autre fragment
      • (((Bruxelles, Archives et Musée de la littérature, cote FS16 01112/0002.)))
    • lui aussi corrigé
      • (((La citation précédente y est formulée « Je trouve déraisonnable qu’ils [Descartes et Mallebranche] veulent, parce qu’ils ont une raison, trouver cette même raison dans l’agencement des choses. »)))
    • compte 30 pages et nous apprend que M. Menuiset, qui s’appelle alors Arsène, écrit des articles « dans une toute minime gazette de faubourg » sous le pseudonyme d’Atlantique Zéphiroux. J’en extrait ceci : « Il est le maître. Cela me paraît tout naturel puisque je lui suis supérieur. » Enfin, un troisième manuscrit de 22 pages écrites d’une autre main que celle de Verhaeren mais dont certaines corrections sont de lui,
      • (((Bruxelles, Archives et Musée de la littérature, cote FS16 01112/0003.)))
    • semble être une mise au propre du précédent, bien que ce soit sur ce dernier que se poursuit le récit sur quatre pages pleines. Son titre est rectifié en Désiré Menuiset et son cousin Oxyde Placard. J’en extrait cette sentence, qui n’apparaît pas sous cette forme dans les deux autres versions : « Un jour le verbe sera Dieu. »))
  • mourut sous les roues d’un train.)

nous annonçait « le vent cornant novembre » !

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Après la pénible traversée de la Beauce, voici enfin Dourdan puis la haute vallée de Chevreuse, car nous fuyons encore l’A10. On traverse Bullion, où l’on peut faire sa lessive dans les plantes vertes du lavoir des Valentins ou dans l’un des trois autres lavoirs du village.

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Nous suivons la route via Saint-Rémy-lès-Chevreuse et Saint-Aubin parmi les denses flux de véhicules franciliens jusqu’à ce qui était autrefois le Christ de Saclay, où ce paysage rappelle ceux que peignait alors un artiste devenu depuis Provéditeur, adepte maintenant de peinture non peinte :

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Enfin, à l’heure prévue, nous atteignons le but de notre périple, qui sera le lieu de notre résidence pour quelques jours, Jouy-en-Josas.
Si nous avions pénétré dans cette église Saint-Martin, nous aurions pu admirer une étonnante vierge polychrome en bois ,du XIIe siècle, où l’enfant Jésus, âgé de cinq à huit ans à vue d’œil, ne se trouve pas couché dans les bras de sa « mère », mais se tient debout devant elle, porté par deux angelots génuflexés. On appelle cette statue « La Diège ».

  • (Contraction de « Dei genitrix ».)

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Bises.

  • (Nous refermerons peut-être un jour prochain cette parenthèse, nous sans y avoir auparavant inséré une sous-parenthèse.)

d.