Hier, il me fallait acheter du café, du maragogype que je ne trouve plus à Nîmes mais à Arles. Je suis donc allé déjeuner à Martigues, pour voir de plus près la vieille ville de Ferdinand Olivier, le peintre père du peintre et Régent O.O.O. Arles serait sur le chemin du retour. Martigues se tient à 55 km au sud-est d'Arles. Martigues est une drôle de ville que Tino Rossi chantait comme "Venise provençale". Située au bord de l'étang de Berre, elle est traversée par le canal de Caronte (creusé par les Romains en 125 av. JC) qui relie sur 9 km l'étang de Berre à la mer. Du coup, la ville est en trois parties séparées par de l'eau : au nord le quartier de Ferrières, au milieu le quartier de l'Île que d'aucuns nomment "île Brescon", au sud le quartier de Jonquières. Et l'île elle-même est coupée en deux par un canal, le canal Saint-Sébastien. À chaque quartier son église, que Ferdinand Olivier peignait vues de loin toutes les trois sur le même tableau. À Ferrières, Saint-Louis-d'Anjou, qu'on ne peut pas photographier, coincée latéralement entre les maisons et donnant sur deux rues parallèles étroites. Sur l'île, La Madeleine (le clocher est à l'autre bout, invisible ici), une belle église de style baroque provençal, achevée en 1680 :

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qui était ouverte pour cause d'obsèques proches :

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Et à Jonquières, Saint-Genest, qui a précédé La Madeleine d'un peu plus de 50 ans (1625) :

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Ce sont là deux beaux exemples d'architecture classique, dont Martigues peut s'enorgueillir.

Là démarre une série de ratages : sur les quatre restos repérés à Martigues pour ne pas se faire empoisonner, trois étaient fermés et le quatrième m'a fait poireauter tant et tant, le serveur unique glissant à mes appels comme une savonnette mouillée, que je m'en fus, dépité, sur le coup de 13h30. Quittant cette ville anti-bouffe, j'avais encore l'espoir de pouvoir me restaurer à la cité voisine de Saint-Mitre-les-Remparts. Hélas, encore raté. Cette bourgade, pourtant munie de nombreuses rues, routes, chemins, ralentisseurs et panneaux directionnels peints en bleu pâle, ne possède ni remparts ni restos, fors le resto municipal destiné aux écoliers et aux vieillards municipaux. Poursuivant, plus au nord, je me disais qu'Istres aurait peut-être un cœur ancien où, à défaut d'y pouvoir déjeuner vu l'heure qui passait, je pourrais m'y restaurer sur le pouce dans un cadre avenant, voire plus ou mieux, qui sait ? Carrramba ! Encore rrraté !, comme dit page 12 le perroquet du sculpteur Balthazar, imitant Ramon par anticipation (page 32) dans l'Oneille cassée édition en volume et en couleurs de 1943, et imitant aussi Diaz dans l'édition en feuilleton noir et blanc du Petit Vingtième (ici, page du 2 juillet 1937), texte modifié dans l'édition couleurs (page 29) :

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Mais au lieu de m'y rendre directement, à Istres, je cédai à mon penchant pour les petites routes et en pris une fort jolie, se faufilant parmi les pins entre deux grands étangs qu'on peut voir simultanément à droite et à gauche, l'étang de Citis et l'étang de Lavalduc, ce dernier étant entièrement bordé du blanc du sel qui s'accumule sur ses rives. Je rejoignis ensuite une ample nationale mais, vus de la grand-route, les accès à Istres s'intitulent soit Istres sud, zone commerciale, soit Istres nord, zone commerciale, avec en perspectives pour l'une et l'autre des hypers et supers édifices cubiques et marchands baignant dans des parkings géants. Je passai donc mon chemin, jusqu'à Miramas où un pauvre croque-monsieur et un café à la terrasse de la boulangerie de la place de l'église surent étouffer mes appétits.

Après avoir admiré la gare SNCF qui commande la quatrième gare de triage d'Europe :

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je quittai Miramas en direction de Saint-Martin-de-Crau. Mais, à peine sorti de Miramas, une autre splendeur de l'architecture me fit stopper net : un lotissement bien "sécurisé" par une double rangée de grillages de trois mètres de haut, surmontés de barbelés et séparés par une zone dégagée d'une trentaine de mètres de large, où la rigueur de la conception urbanistique s'allie à celle des constructions, une quarantaine de maisons individuelles, largement espacées, mais malheureusement toutes fermées :

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La vue d'avion de Google fait bien ressortir la pureté de dessin du plan-masse :

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Renseignement pris, il s'agirait d'un dépôt de munition de l'armée qui a été cambriolé dans la nuit du 5 au 6 juillet 2015. Cela explique probablement que les habitants, n'ayant plus guère confiance dans la sûreté des lieux, ont tous déménagé depuis.

En me rapprochant d'Arles, une autre œuvre architecturale, sorte de campanile dépassant des fourrés bordant la route, m'attira en rase campagne :

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Ici encore, la vue aérienne (due à Géoportail - © IGN 2016) nous permet d'appréhender la force du geste créatif du bâtisseur et sa maîtrise des rapports avec l'environnement :

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À peu de distance de là, la route longe un étrange château tout en pierres, très long, très long, dont les occupants fuient la lumière d'un côté :

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de l'autre :

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et même par le toit (Google) :

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Enfin, à l'entrée d'Arles, Frank Gehry, le célèbre architecte du biais et du porte-à-faux gratuits (mais coûteux), fait "Luma" :

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"Il faut chercher la raison de toute forme, disait Viollet-le-Duc (le copain de Chaval), car toute forme a sa raison".

Bises.


d.