Les asperges sont sorties suivies des petits pois et des fraises. Il ne me reste plus qu'à mettre fin à mon hibernation. Non qu'il n'y ait eu quelques balades hivernales, mais routinières ou proximes et de moindre intérêt, comme celle-ci, par exemple, faite le 24 février dans les collines surplombant Aramon, patrie du vin des poilus et notre chef-lieu de canton jusqu'au redecoupage de 2014 qui nous a collé sous l'empire de Redessan et qui a rétrogradé Aramon en lui supprimant son canton pour le placer dans celui de Beaucaire.

En février donc, suivant l'itinéraire décrit dans la Gazette, je m'en fus sur un chemin caillouteux, mais caillouteux comme si tous le casseurs de cailloux de la route de Louviers et de la Guyane réunis œuvraient là du matin au soir et inversement. Mais le chemin qu'il fallait "prendre à gauche" à un "carrefour multiple, en haut d'une colline (point de vue sur la vallée du Rhône, la cité des Papes, le Ventoux, les Alpilles, et par temps clair la Sainte-Victoire à l'est et le Pic St-Loup à l'ouest)" après il m'ait fallu m'"élever plein nord pendant 1,2 km", ce "chemin" et ce "carrefour multiple", donc, ne me sont point apparus, pas plus que les mirifiques vues promises. Au lieu de ces félicités, des cailloux, des cailloux, des cailloux, en pente grimpante. D'autant plus de cailloux que, ne disposant pas de compteur de kilomètres quand je marche à pied, j'ai loupé le virtuel point kilométrique 1,2 indiqué et j'en ai parcouru environ quatre, de kilomètres, avant de renoncer et de faire demi-tour pour retourner d'où je venais, à regret car je n'aime pas trop faire deux fois le même trajet, mais ne souhaitant pas me perdre plus avant.

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Ce genre de cailloux bien gros et anguleux font riper la cheville à chaque pas,

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et meurtrissent la voûte pédestre malgré de bonnes boots Sebago Drysides équipées de semelles Vibram "en caoutchouc antidérapant [qui] assure un confort durable et empêche de glisser", achetées chez Bessec à Saint-Malo, et c'est rien dle dire.

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Ainsi, après près de trois kilomètres supplémentaires (dans l'autre sens), je découvre un endoit d'où partent (dans ce sens là) deux chemins vers la gauche et deux éboulis de caillasses vers la droite formant, si l'on veut, un "carrefour multiple". Grimpant à droite (dans ce sens là) l'un des éboulis, je découvre de son sommet - sans vue mirifique aucune - une capitelle qui était, avec ses consœurs, le but de la balade.
Revenu dans le chemin attendu, mais mis en retard par mes égarements, j'ai fait, comme disent les touristes professionnels, les capitelles à toute allure pour éviter la nuit, précoce en cette saison encore hivernale :

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Bref, des capitelles, quoi, réparties sur environ deux km de chemin.
Après les capitelles, pour rejoindre mon point de départ, le sentier - l'officiel "Sentier des capitelles, parcours fléché Découverte et Patrimoine" - se transforme en genre de caniveau rocailleux en descente abrupte devant lequel même l'âne de Stevenson aurait exprimé son profond dégoût.
Voilà comment on se retrouve, la nuit tombée et les pieds en capilotade, sur le parking, au bout du chemin de Sainte-Suzanne, un soir de février, enfin assis.

Mais passons à aujourd'hui, premier jour du printemps et fin de mon hibernation. Fi des balades hivernales habituelles et restreintes à mes environs ! À moi les grandes distances. Au matin bien avancé, je pars vers les confins nordiques du Gard, vers le village d'Aiguèze, situé non loin du trépoint des départements de l'Ardèche, du Vaucluse et du Gard (lequel trépoint se situe en plein dans le Rhône, juste avant que l'Ardèche ne s'y précipite).

La renommée d'Aiguèze n'est plus à faire. C'est la patrie du grand Honoré Agrefoul (*) :

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Vu d'où je me tiens, on voit bien que le village est construit sur l'à-pic de la falaise rocheuse dominant l'Ardèche. Pour prendre la photo, je suis monté au lieu-dit "Castellas", dominant le village. Mais point de castellas, pas même la trace d'une ruine de châtiau, seule la mal-nommée "Tension" de l'artiste J-P Domergue anime (si on peut dire) ce coin de sa molle bandaison.
"Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Millions d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?"

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Dans le village, l'église Saint-Roch n'est pas très belle (XIXe-XXe siècles), ni à l'intérieur ni à l'extérieur, mais angée et colorée.

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Le village est charmant, avec des rues,

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des maisons,

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des cours,

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et même un avion supersonique :

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Le chemin de ronde aux anciens parapets donne une jolie vue :

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Sur une place aux grands platanes encore hélas dégarnis, le resto Le Bouchon que je guignais, et que tout internet disait ouvert, ne l'était pas, ne daignant pas nourrir le chaland dès Pâques sonnantes mais seulement à compter du jour de la vigile. De même des autres bistroquets locaux. Le patron de l'hôtel Le Rustic m'indique comme ouvert La Camargue, de l'autre côté de l'Ardèche, sur la commune de Saint-Martin-d'Ardèche. Je m'y rends donc presqu'en confiance. La terrasse est bien simplette, mais grande et ombragée. Malheureusement, ce qu'on y mange est très très mauvais. Pour digérer cette infamie, je file en direction des gorges de l'Ardèche, mais vite je quitte la route pour une montée sur la droite, étroite mais goudronnée. Puis, plus goudronnée. Puis terro-rocheuse. Puis réservée aux pseudojeeps. Puis aux vraies jeeps, me forçant à quitter mon véhicule et à poursuivre à pied jusqu'à ce réconfortant panorama :

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C'était une bonne balade printanière où, mais vous l'auriez deviné, j'ai profité du beau temps.

Je vous embrasse.

(*) : Cet "inventeur de l'absinthe"dévoile son imposture par l'énormité de l'assertion prétendant que l'absinthe serait "plus connue de nos jours sous le nom de pastis" ! Chacun sait que l'absinthe, la liqueur, la Fée verte, est née en Suisse dans les dernières années du XVIIIe siècle, dans le canton de Neuchâtel, des œuvres de la mère Henriod, rebouteuse, et que sa recette diffère nettement de celle du pastis.
La plaque d'Aiguèze en l'honneur de l'"inventeur" Agrefoul a été inaugurée en grande pompe le lundi de Pentecôte 1985 par le président Mitterrand venu en traction Citroën de l'Elysée, escorté par deux gendarmes, prononcer un discours et déposer une gerbe. Sous le masque se tenait Michel Bertet, boulanger-pâtissier à Arles, que l'on connait aussi comme créateur de la Confrérie de Adorateurs de Ponts Suspendus.
Voir : Pierre-André Delachaux, Les années vertes, ou La fée au fond du verre, dans Nouvelle revue neuchâteloise, N° 54, 1997.


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